Ils sont discrets sans êtres exclusifs, souvent créatifs, revendiquent une atmosphère élégante et un esprit festif plus ouvert que celui des clubs parisiens. Une nouvelle génération de bars à cocktails parisiens est née, dont voici les fleurons.
L’Acte 3, pop, mixte et underground.
Le trio qui a ouvert l’Acte 3, petit bar invisible (ou presque) de la rue Quincampoix, a des références qui font rêver. Sabine était de la bande qui fit connaître au Pulp, boulevard Poissonnière, ses plus belles nuits des années 2000, puis elle s’occupa, deux ans durant, du Baron. Romain, le barman, officia au Montana, au Magnifique, au Bouddha Bar, au Sketch à Londres. Paul, le plus frais dans le monde de la nuit, fut fournisseur de confitures de luxe auprès de palaces américains. Leur lieu, ils l’ont voulu « aussi festif que le fut le Baron », mais sans prétention, c’est-à-dire sans la sévère sélection de l’entrée. Car la discrétion de l’endroit, sa nouveauté (il a ouvert en janvier dernier), et l’absence relative de communication autour de lui assurent une fréquentation mixte mais pointue, « essentiellement par le bouche-àoreille ». Certains habitués du Silencio, dit-on, y démarrent souvent la soirée. On y boit des cocktails sans nom et très nature : il faut choisir son fruit sur une petite ardoise qui suit le marché, et puis une herbe, une épice et un alcool, premium si l’on veut, auxquels il sera mixé. On grignote aussi, avec des assiettes maison : petit choux au chèvre et huile d’olive, burratina bien fondante, foie gras ou houmous, fromages et charcuterie, saumon gravlax… Ça change souvent et avec les saisons. En plus, et c’est le mieux, il y a deux espaces, pour deux atmosphères : sur la rue, on bavarde, boit, mange (sur de hautes chaises ou à une table d’hôte) ; au sous-sol, devant le papier peint vintage ou la voûte peinturlurée de bleu roi, on danse au son des DJ’s, de concerts, et on rira même bientôt, nous dit-on, aux traits de quelque artiste de stand-up. L’Acte 3 est décidément plein de promesses. 94, rue Quincampoix, 3e. Tél : 01 44 61 29 69. Ouvert du mardi au dimanche de 18 h à 2 h. Cocktails de 10 à 12 euros.
Le Ballroom du Beef Club, “Experimental” jusqu’au bout des ongles.
C’est le dernier-né du groupe Experimental, celui-là même qui fut l’un des pionniers de ce renouveau du cocktail de bon goût, et qui, en ouvrant il y a plus de quatre ans l’Experimental Cocktail Club, suivi de trois autres adresses, remit le speakeasy chic à la mode de Paris. Sous le tout nouveau Beef Club, un restaurant à découvrir, le Ballroom se rejoint par une porte dérobée devant laquelle stationne élégamment Sylvain, physionomiste “nouvelle génération”. Là encore, on sent que l’exclusivité de certains clubs parisiens a fini par lasser. « Mon travail commence quand je dis “oui” », explique aimablement Sylvain, qui ne s’appesantit pas sur le pouvoir éphémère que cela lui confère, et préfére la sobriété et l’amabilité en toute circonstance. En bas, un long espace en L, décoré de la même façon que l’Experimental de Londres (à Chinatown) : plafond façon plaques de fonte ouvragées, ici du parquet, là de la moquette, une antique cheminée de marbre, là un piano, et puis du mobilier élégant, des lumières sombres, deux bars. Les serveurs sont de fort belle facture, jeunes et venant du monde entier. A la carte, on ne trouve que dix créations, mais plus de 350 autres cocktails peuvent êtres réalisés. Le lieu propose beaucoup d’alcools « rares », une politique d’éducation du client (au cocktail, donc), des DJ’s qui feront bientôt danser. Le public, encore un peu sage, ne demande qu’à être pimenté. A peine quelques semaines d’existence, et déjà des allures de classique. 58, rue Jean-Jacques Rousseau, 1er. L’endroit ferme encore à 2 h du matin à l’heure où ces lignes sont écrites, mais attend les autorisations pour être ouvert de 19 h à 3 h du lundi au jeudi, jusqu’à 5 h le vendredi et le samedi, et bientôt le dimanche. Cocktails de 12 à 15 euros.
Petit Club entre amis.
Ouvert juste avant Noël dernier, le Petit Club (dans un grand club) est le rendez-vous de poche et de luxe de la Favela Chic. Toujours les mêmes patrons et le mix de chaleur, d’alcool et de musiques chaloupées, mais en « plus élégant et qualitatif », et avec l’idée de « faire la fête entre potes ». Un petit espace qui garde l’esprit métissé de la maison, mais décoré façon fumerie d’opium “upper class”, où l’entrée est filtrée, et les cocktails, plus chics (et donc plus chers) que les caïpirinhas très sucrées d’à côté. On peut venir avec son équipe (de film, de mode…) pour danser toute la nuit ou bavarder dans la pénombre. « On recherche un peu l’esprit de la fête façon appartement telle qu’on la trouvait au Baron », expliquent Greg, Julien et Virginie, sympathiques agitateurs du lieu. D’ailleurs, « ceux qui dansaient comme des fous il y a quelques années à la Favela reviennent maintenant pour le Petit Club », où officient des DJ’s et deux barmen expérimentés. Ceux-ci servent des mixtures délicieuses aux noms rigolos, “Taspei” au cognac, angostura et champagne, pour un certain type de fille, “Soutane on the beach” à la cachaça, chartreuse verte, concombre, coriandre, jus de citron vert, “Draper”, du nom du personnage de “Mad Men” à la tequila infusée verveine, sirop de piment, confiture de cédrat… A l’intérieur, si l’on a été admis, on peut circuler librement entre les deux atmosphères, fête d’initiés ou “dip” dans le bain de chaleur de la piste de la Favela. Bien qu’il soit né et vive entre les murs d’un classique de la nuit parisienne, le Petit Club, festif et caché, mais déjà rendez-vous de quelques bandes à la mode, est un vrai nouveau lieu. 18, rue du Faubourg du Temple, 11e. Tél. : 01 40 21 38 14. Ouvert jeudi (20 h – 3 h), vendredi et samedi (20 h – 4 h). Cocktails de 12 à 16 euros.
L’Entrée des artistes, cocktails fins et produits du terroir.
Il est discret depuis la rue, mais n’a rien d’un speakeasy, insiste Edouard, ancien du Murano, qui a ouvert avec Fabien, ancien du Prescription, ce bar au concept convivial. Ici se rencontrent en effet deux univers qui se croisent rarement : le bar à vins (naturels, c’est de mise), avec ses tapas terroir qui déchirent (houlala la saucisse sèche ! Oh mon Dieu, la burrata ! Miam, la bresaola de thon à la sicilienne !) et quelques plats mitonnés par la maman d’Edouard, et le bar à cocktails raffinés, mis au point avec beaucoup de subtilité par le très talentueux Fabien. Murs grattés, atours de vieux bistrot, surface réduite (vingt places assises), et clientèle éclectique. « Il s’agit autant de nos confrères terroir-bar à vins qui viennent nous voir le lundi, quand nous sommes ouverts et pas eux, que de nos amis du monde des cocktails, et puis aussi beaucoup d’étrangers car nous avons eu de beaux articles dans certains pays », raconte encore Edouard, pas peu fier d’avoir orchestré ce mélange somme toute novateur. Fabien est aussi doué pour les cocktails qu’Edouard pour le choix des vins et des produits de l’assiette : ses créations sont présentées dans un carnet genre vieilli, et suivent les saisons. Des noix, des « glaçons fumés » au whisky tourbé en hiver, des tomates en été, des alcools rares fournis par de petits producteurs, et puis un tas de petites surprises maison : noisettes torréfiées au cacao qui rejoignent un sirop d’orange sanguine et un excellent calvados, vermouth infusé sur place au café, cocktails vieillis en fût à la cave… Le résultat est addictif. 8, rue de Crussol, 11e. Ouvert du lundi au vendredi de 19 h à 2 h. Cocktails autour de 11 euros, plats 6-14 euros.
Le Candelaria, speakeasy arty et cosmopolite.
Il fait carton plein depuis son ouverture, il y a un an et demi, parce qu’il a beaucoup à offrir. D’abord de très bons tacos, fabriqués sous vos yeux par un chef mexicain, et frais comme c’est rare à Paris, et puis une manière de speakeasy dans le style le plus spectaculaire : en poussant une porte parfaitement invisible pour qui ne connaît pas, au fond de la taqueria. Là, dans un élégant clair-obscur éclairé par une vitrine, au fond sur la rue, se trouve le bar, un peu design, un peu arty (oeuvres de Confetti System et autres artistes ou designers), un peu caliente car les cocktails très réputés y explorent « des produits sud-américains, comme de très bonnes cachaças et de vieux piscos, que l’on ne connaît pas encore bien ici », explique Carina Tsou, jeune Colombienne et co-patronne. Le caractère latin des mixtures est complété par un savoir-faire tout new-yorkais : Adam Tsou, autre co-patron (et époux de Carina) et Joshuah Fontaine, le troisième larron, sont américains. Le premier était chef, le second, barman à New York. C’est pour ça que quelques cocktails de la carte sont signés de fameux barmen new-yorkais : le Gueppe Verte (« coriandre, concombre, citron vert, miel d’agave et tequila infusée au piment, très relevé, qui marche très bien ») par Toby Cecchini (à qui certains attribuent l’invention du célèbre Cosmopolitan) ou le Naked & Famous par Joaquìn Simò du Death & Co… Le public est très “haut Marais” : entre 20 et 50 ans, il se déverse depuis les vernissages des galeries d’art “hip” alentour, ou bien de quelque antre underground mode d’outre-Atlantique, aime à goûter aussi des cocktails qui ne sont pas à la carte, et apprécie la musique électro-rock choisie par des DJ’s ou par les jeunes patrons, et presque toujours indépendante. Le succès est tel qu’il se murmure que les trois amis d’Amérique concoctent pour bientôt une nouvelle adresse parisienne. Mais chut… 52, rue de Saintonge 3e. E-mail : info@candelariaparis.com. Taqueria ouverte de midi à 22 h 30, bar ouvert de 19 h à 2 h, tous les jours. Cocktail de 11 à 13 euros.